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fumeurs de haschisch ou gardiens des fondements islamiques?
Le mot « assassins » a une longue histoire, qui commence au début du XIe siècle avec la secte musulmane dite « des Assassins », les Haschischiyoun. Cette secte avait été fondée par un vieux sage de confession chiite, Hassan As-Sabbah, qui était en lutte contre les Turcs Seldjoukides, alors maîtres de l’Islam officiel, et qui, eux, n’étaient pas chiites mais sunnites.
Les meurtres que les membres de cette secte chiite organisaient contre les personnalités sunnites se déroulaient toujours selon le même scénario spectaculaire : après avoir préparé l’attentat dans le plus grand secret, le meurtre avait lieu de préférence dans la mosquée, le vendredi, à l’heure de la plus grande affluence. L’acte revêtait ainsi une double signification pour eux : c’est en public qu’ils éliminaient définitivement une personnalité sunnite, tout en donnant de l’éclat à celui qui se sacrifiait avec un courage exemplaire à la vengeance de la foule qui s’acharnait alors sur lui et le mettait à mort.
Le calme avec lequel agissaient ces candidats au suicide a pu faire penser qu’ils étaient drogués avec du haschisch, d’où leur surnom haschischiyoun ou haschaschin (« hassas », « fumeurs de haschisch »). Le mot a été transmis au français par l’intermédiaire de l’italien assassino, et l’étymologie par le haschisch a longtemps prévalu.
C’est bien comme « fumeurs (ou mangeurs) de haschisch » que la secte a été connue en France, mais cette appellation péjorative n’est probablement pas celle par laquelle se qualifiaient ses membres ; en revanche, ses adversaires sunnites ont pu répandre cette légende de l’intoxication, déjà rapportée en Occident par Marco Polo. Le sens premier en serait « buveur de hachisch », en fait « fumeur de hachisch », parce qu’en arabe, le verbe boire est utilisé pour dire fumer et que l’on « boit une cigarette ».
On attribuait la férocité des membres de la secte à l’influence du hachisch qu’ils « buvaient ». Cette explication, aurait été inventée en 1809 par un orientaliste friand d’anecdotes pittoresques mais ignorant tout des lois qui régissent l’évolution des langues.
Une autre étymologie peut être avancée, car des documents attestent que Hassan avait coutume d’appeler ses adeptes « Assassiyoun », c’est-à-dire ceux qui sont fidèles au « assas » (en arabe, gardien), au « fondement » de la foi, les « fondamentalistes », via l’italien assessino, « tueur à gages ». Le sens d’ « assassin », comme « gardien des fondements », montre que les assassiyin qui éliminaient mécréants et infidèles, surtout les chrétiens, n’agissaient pas ainsi parce qu’ils auraient été sous l’emprise de la drogue, mais parce que ces tueurs se considéraient comme les gardiens du dogme islamique et comme de vrais musulmans.
La ressemblance des deux mots – Haschishiyoun et Assassiyoun – aurait donc pu induire en erreur les premiers voyageurs occidentaux dont la connaissance de la langue arabe était sans doute superficielle.
Dans la plupart des langues romanes, notamment occitanes et françaises (assacis, assassis, hassassis …, assassin), s’emploie pour désigner les membres de cette secte ismaélienne (shiite) de Syrie et figurément un séide (homme d’un dévouement aveugle et fanatique) capable de tuer pour son maître : cet emploi n’est pas rare chez les troubadours, pour qualifier la fidélité amoureuse aveugle.
De nombreuses hypothèses proposées, certaines parties en fumée avec le temps, mais un mot qui ne cessera encore de questionner.