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Nourriture ou poison ? Bénéfique ou maudite ? Les mythes, symboles et croyances rattachées à l’une des plus anciennes légumineuses de l’humanité sont souvent ambivalents et contradictoires.
Sa forme, sans doute, enflamma l’imaginaire des hommes, qui dans l’Antiquité la chargèrent de bien des méfaits tout en sachant en tirer tous les avantages.
La fève a toujours nourri les hommes, les animaux et les sols. Comme d’autres légumineuses elle contient 25% de protéines, et, grâce à ses racines qui portent des nodosités pouvant fixer l’azote atmosphérique, elle fertilise les sols. Sa culture en alternance avec des céréales économise l’usage d’engrais.
Paysans et botanistes constatent depuis toujours qu’elle est la légumineuse qui retourne le plus ce qu’elles ont pris au sol.
La fève (foûl) est un aliment très populaire dans le monde arabe, au Maghreb, au Machrek et surtout en Egypte, où il est connu et cultivé depuis les pharaons, si ancien qu’on le retrouve près de 1900 ans avant notre ère dans des fouilles archéologiques comme offrandes funéraires.
Longtemps la fève reste considérée comme produit maudit car associé aux morts : de ce fait, les prêtres s’abstenaient d’en consommer. Au VIe siècle av. J.C. un courant religieux en Grèce, l’orphisme, considère que la forme creuse de la tige de cette plante, dépourvue de nœuds, l’assimile symboliquement a un lieu de passage entre le monde des vivants et celui des morts : aussi l’ingestion, de cette légumineuse était considérée comme du cannibalisme.
Pythagore qui reprendra les thèses orphistes dira : « c’est un crime légal de manger des fèves et la tête de ses parents ». On ne traversait jamais un champ de fèves pour ne pas risquer d’écraser les défunts.
Les papyrus eux aussi, confirment sa culture et sa consommation et des jarres pleines de fèves écossées offertes aux dieux du Nil par Ramsès III sont en nombre impressionnant. Les préparations culinaires à base de fèves font l’unanimité de toutes les classes sociales, tant en milieu rural que urbain.
Des recettes extrêmement anciennes telle que le ful mudamas (fèves assaisonnées de cumin, de sel, arrosées d’huile et accompagnée d’oignons crus) ou la bissara (purée de fèves) traversent les siècles sans aucune variation.
En médecine populaire les Marocains utilisent une pâte à base de fèves séchées pour soigner l’hydrocéphalie des jeunes enfants. En se solidifiant, la pâte, posée sur la fontanelle comme un serre-tête, fortifie l’ossification de cette partie du crâne du nourrisson.
La fève gonfle démesurément dans l’eau : cette aptitude fait d’elle un fruit lié à la fécondité, au même titre que la figue, la calebasse ou le melon d’eau.