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« L’arbre était un grand navire ancré dans l’humus, et il luttait, toutes voiles dehors pour prendre enfin son essor. Un souffle tiède fit frémir les frondaisons. La feuille poumon de l’arbre, l’arbre poumon, et donc le vent de sa respiration, pensa Robinson… »
Michel Tournier, Vendredi ou Les Limbes du Pacifique
Partout dans la ville leurs silhouettes se détachent, sculptures vivantes, vibrent ou souffrent sous les assauts du vent. Ce sont les araucarias, ou pins colonnaires. « L’histoire commence toujours avec quelques feuilles qui bougent comme des lèvres qui murmurent. Entendre le bruissement des feuilles, une musique, quelques paroles, de temps en temps des cris, ou seulement des confidences... une histoire, celle du saule pleureur qui se lamente de ne pouvoir traverser la rivière ou celle de l’Araucaria qui raconte des légendes oubliées ».
L’Araucaria Excelsa ou Pin de Norfolk, arbre symbole de l’île sur laquelle il fut découvert (il en est d’ailleurs l’emblème), règne sur la cité d’Essaouira. Ce « pin colonnaire », au port pyramidal, peut atteindre dans la nature une hauteur de 70 mètres. Ses feuilles sont de deux types : celles des rameaux les plus jeunes sont vert clair, flexibles et pointues ; les feuilles adultes sont plus courtes, imbriquées, recourbée vers le rameau et avec la pointe incurvée. Ses fleurs sont unisexuées. Avec l’âge, il perd ses branches basses, comme chez la plupart des conifères. On rapporte que les araucarias peuvent vivre 1000 ans. Véritables fossiles vivants, ces arbres ont côtoyé les dinosaures, résineux témoins silencieux de la grande Histoire de la Terre.
Il se distingue de l’Araucaria du Chili (Araucaria Araucana), que l’on peut voir dans les jardins, et qui porte des feuilles extrêmement pointues et piquantes, arbre appelé « le désespoir des singes », ces animaux ne pouvant atteindre les fruits à cause du tronc et des branches aux fortes écailles, recourbées vers le haut. Ces deux types de conifères peuvent tolérer le gel mais résistent difficilement aux hivers rigoureux.
En 1997, la ville d’Essaouira, ville de thuya et d’arganier par excellence, a mené un ambitieux programme de plantation d’araucaria, sous le slogan « un arbre pour ma ville ». L’araucaria, l’espèce choisie, en plus de son aspect esthétique, s’adapte bien au climat spécifique d’Essaouira et y prospère avantageusement. L’opération a été lancée par le GERPE (Groupement d’Etudes et de Recherches pour la Promotion d’Essaouira) qui avait défini comme objectif premier la plantation de 400 araucarias. Le GERPE a assuré les études de faisabilité, choisi les lieux de plantation des arbres et a appelé à la souscription les citoyens pour la réalisation de ce projet.
On ne plante jamais un arbre par hasard. Les plantations s’effectuent en adéquation avec le climat, l’architecture et les hommes. Souvent les arbres étaient utilisés pour souligner et accentuer les lignes et les axes principaux d’une ville. L’araucaria symbolise, comme arbre sacré, une part de la culture et de l’histoire d’Essaouira et de sa population.